Ma tante avait toujours souhaité s ' installer dans le midi de la France . Lorsque l ' occasion se présenta , elle acquit un bien , près de Bandol , une vieille bastide que le temps semblait avoir oublié . On y accédait par un chemin escarpé ; l ' air , saturé d ' effluves odorantes , était seulement troubler par de rares trilles lancées par des oiseaux invisibles . Les quelques vingt années que ma tante aura vécu dans ces lieux sont pour moi une source inépuisable de souvenirs qui , aujourd ' hui encore , m ' émeuvent profondément . Je me rappelle alors ces temps bénits où , mon frère et moi , parfois accompagnés de Françoise , la fille unique de notre proche voisine , nous faisions de longues ballades à travers la garrigue , jusqu ' à la fin du jour . Alors , exténués , nous rentrions , mourants littéralement de faim , et nous nous jetions , éperdus , sur les pôts de confitures qu ' avait soigneusement préparés notre tante . Tous les efforts durant cette promenade ainsi que les dangers imaginaires que nous avions couru , nous les oublions , le soir , devant un bon feu de cheminée ! Quand je songe à ces moments de vie , je comprends alors tout le chemin parcouru ; car tout , aujourd ' hui , me conduit à cette vieille demeure provençale où , année après année , mon frère et moi nous sommes vus grandir et devenir les hommes que nous sommes . Elle garde à jamais l ' empreinte de nos pas et résonne encore de nos voix enfantines . Que d ' années heureuses se sont ici succédées , mais que de voix aussi se sont tues ! Reviendront-elles ces chères disparues ? Et les montagnes au loin bleues foncé ajoutent à ma tristesse leur incertaine gloire .