La brise gonfle les touffes de sa chevelure aussi brune que le chene noir de la chaise où il est assis, la tete mollement posee en arriere. Fatigue d ' être immobile à reflechir, il se leve. Un complet gris acier l ' habille parfaitement, cache la maigreur de son corps. Mais dresse d ' un elan magnifique sur une taille libre, il avance, de long en long sur le balcon, d ' un pas solide et gracieux. Alors que sa songerie l ' absorbait tout entier, il n ' a vu la scene extérieure qu ' à travers une buee confuse de couleurs et de formes. . . Il n ' aperçoit pas encore une femme dont la silhouette bleu cendre ne bouge plus, à la porte meme de l ' enclos qui separe du Chemin Saint-Louis la pelouse devant la maison qu ' il habite. . Sa robe, d ' une etoffe imitant le crepe de chine à s ' y meprendre, tombe sur des lignes charmantes et fermes. Le chapeau, leger ensemble de roses pourpres et de paille de riz claire, s ' harmonise à la physionomie timide. Enfant d ' un modeste ouvrier, Lucile Bertrand hesite, effarouchee par l ' eclat de la façade, la finesse des rideaux, la courbe imposante de l ' escalier de pierre et l ' allure hautaine du jeune homme. Pendant qu ' elle referme la porte, le coup d ' oeil du medecin qui l ' examine est ravi par l ' esthetique pure de ce modèle feminin. Lucile Bertrand se retourne, et leurs regards s ' interrogent quelques secondes. Jean remarque la beaute sobre de ce visage un peu triste, mais son esprit, curieux de ce que cette femme desire, s ' occupe uniquement de conjectures. La jeune fille, toute surprise que les yeux de l ' inconnu soient bons et beaucoup moins arrogants que sa demarche, croit retrouver sa confiance en elle-même. Les joues plus vermeilles à chaque instant, elle se hate sur l ' allée de cailloux bleuatres. Elle s ' etait donc trompée : le craquement de ses pas jette une frayeur etrange en son ame, et sa bravoure chancelle un peu. Le jeune homme, au sommet de l ' escalier qu ' elle gravit craintive, attend qu ' elle vienne à lui. |